Au cœur d’Oran, là où l’histoire s’est mêlée aux passions, se dressent les arènes, témoins silencieux d’une ère révolue. Ses murs de pierre ont résonné des applaudissements d’une foule enflammée mêlant bravos et huées. Un voyage dans le temps nous ramène à l’époque où la tauromachie dominait faisant vibrer les gradins et forgeant l’identité de la ville.
Au-delà d’un simple bâtiment, ces arènes incarnent un lieu chargé d’histoires, prêtes à dévoiler leurs secrets tout au long de cet article
L’Algérie, carrefour de civilisations, marquée par de nombreuses dominations étrangères,
Parmi lesquelles la présence espagnole a laissé des traces indélébiles dans son patrimoine. Cet héritage est particulièrement visible à Oran, véritable forteresse méditerranéenne, où les colons espagnols ont laissé une empreinte profonde sur l’architecture et les coutumes locales durant leur présence, qui a duré près de deux siècles. Pour plonger dans cette époque et en ressentir l’atmosphère, il suffit de lever les yeux vers le fort de Santa Cruz, qui veille sur toute la ville, de se perdre dans les ruelles du quartier de Sidi El Houari,
véritable musée à ciel ouvert où le poids du temps se fait sentir à travers les façades des maisons et les constructions anciennes. Cependant, c’est aux arènes d’Oran que l’on trouve l’expression la plus saisissante de cette époque, Un symbole vibrant de la passion espagnole pour la tauromachie, il fut construit spécialement pour le plaisir et le divertissement de la population indigène et coloniale, évoquant l’effervescence des corridas qui animaient autrefois cette ville.
Un Héritage Architectural du 20e Siècle
Les arènes d’Oran, parmi les rares du continent africain se distinguent par leur édifice circulaire impressionnant de 4 800 m² et d’un diamètre de 210 mètres, pouvant accueillir jusqu’à 10 000 spectateurs. Conçues par l’ingénieur architecte E.-R. Garlandier et réalisées par l’entrepreneur A. Andreoli, en 1890, puis reconstruites après un incendie en 1908 en pierre, chaux, fer et bois. Situées au sud-ouest de la ville, dans le quartier de l’ancienne place d’Eckmühl, ces arènes témoignent d’un savoir-faire architectural exceptionnel et d’une histoire riche, captivant ainsi les visiteurs d’hier et d’aujourd’hui.
L’Art de l’Acoustique dans les Arènes
Grâce à leur architecture particulière, elles sont conçues de manière à amplifier le son. Leur forme circulaire et les matériaux utilisés permettent à la voix de résonner et de se propager efficacement à l’intérieur, créant une expérience auditive immersive pour ceux qui se trouvent dans l’espace. En revanche, les personnes à l’extérieur ne peuvent pas entendre clairement ce qui se passe à l’intérieur.
Cette technique acoustique remonte à l’Antiquité, développée par les Grecs et les Romains qui ont conçu des espaces maximisant la résonance sonore, notamment dans les théâtres.
Les arènes d’Eckmühl sont-elles les premières ?
La course espagnole a été introduite à Oran en 1881, marquant le début d’une tradition taurine en l’honneur de la communauté espagnole présente dans la ville. Les premières arènes, situées au boulevard de l’Industrie, étaient temporaires et n’ont pas duré longtemps. Elles ont rapidement été déplacées à Gambetta pour accueillir un public plus large. Face à l’engouement croissant, une nouvelle arène, celle d’Eckmühl a été construite. Ces arènes majestueuses aux lignes épurées et à la capacité impressionnante sont rapidement devenues un lieu de rassemblement essentiel pour la communauté
espagnole, consolidant ainsi la réputation d’Oran comme un centre majeur de la tauromachie. La dernière corrida à Oran s’est tenue peu avant le début de la guerre civile espagnole en 1936. Après une longue période d’inactivité, les arènes ont rouvert en 1954. À la fin de cette même année, Oran accueillait près de la moitié de la communauté espagnole d’Algérie dont de nombreux réfugiés politiques. Pour ces exilés, la tauromachie était plus qu’un simple divertissement, elle représentait un lien essentiel avec leur patrie et un moyen de préserver leur identité culturelle.
Depuis leur inauguration en 1920, les arènes d’Oran ont abrité plusieurs corridas animées par des matadors légendaires tels qu’El Cordobés, Ordóñez Pepe, Miguel Mateo, José García Lupión, et les trois frères Chicuele. D’autres figures emblématiques comme Luis Miguel Dominguín et Domingo López Ortega ont également laissé leur empreinte faisant des arènes un lieu incontournable de la tauromachie.
En raison de leur acoustique exceptionnelle héritée d’une technique architecturale évoquée plus haut dans cet article, les arènes d’Oran ont été un lieu privilégié pour de nombreuses manifestations culturelles et sportives, des concerts de groupes célèbres comme The Platters et The Holidays y ont eu lieu, tout comme des combats de boxe mettant en scène les célèbres Oranais Hocine Khalfi et Lahouari Guedih.
Le catch était également populaire avec des figures emblématiques comme l’ange blanc Francisco Pino Farina, considéré comme l’un des plus grands catcheurs français et le Bourreau de Béthune Jacques Ducrez, qui a marqué les années cinquante. Des spectacles comme « Holiday on Ice », qui a fait ses débuts en Afrique aux arènes d’Oran en 1960, ainsi que des tournois de football réunissant de grandes équipes.
Anecdote
Les arènes d’Oran sont souvent liées à une légende selon laquelle Napoléon III aurait donné l’ordre de leur construction en l’honneur de son épouse, l’impératrice Eugénie, afin de lui offrir un espace de divertissement inspiré des arènes espagnoles.
La Symbolique du Rouge dans la Corrida
La couleur rouge est fréquemment associée aux corridas, mais son effet sur le taureau est en réalité un mythe! Les taureaux étant daltoniens, ne perçoivent pas les couleurs et voient seulement des nuances de noir, blanc et gris. Ce qui les stimule ce sont surtout les mouvements du matador. La muleta “Cape” est souvent rouge, car cette couleur symbolise le sang et accentue l’intensité dramatique du spectacle, amplifiant ainsi l’adrénaline des spectateurs lors de l’événement
Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, la tauromachie a progressivement disparu des arènes d’Oran, en partie en raison du changement de contexte culturel et social.
Cette pratique, autrefois populaire a été de moins en moins acceptée reflétant un désir de réévaluation des traditions héritées de la période coloniale.
Actuellement, les arènes d’Oran, après des travaux de réhabilitation, servent de lieu pour des visites guidées, permettant aux visiteurs de découvrir ce lieu emblématique. Elles sont ouvertes au public tous les jours, du samedi au jeudi jusqu’à 17h. Leur petits cabinets qui autrefois servaient de bistrots et de bars ont été réaménagés pour accueillir des expositions artistiques, mettant en lumière le talent de peintres et d’artisans locaux.
Les arènes d’Oran sont un lieu où l’histoire et le présent se rencontrent. Elles témoignent du désir des Espagnols de la région de conserver et célébrer leurs traditions. Ces arènes étaient un espace de rassemblement pour des corridas, qui n’étaient pas seulement des événements de divertissement, mais aussi des occasions de fête et de convivialité.
En explorant cet édifice, chaque visiteur découvre non seulement sa beauté architecturale, mais aussi l’âme d’Oran, une ville qui danse au rythme de ses traditions. Ne manquez pas l’occasion de vivre cette expérience unique. Venez explorer ces arènes et connectez-vous à l’âme d’Oran !
Rédigé par Sarah Brahmi